Merveilleux bal des monstres chez Prada

Fashion Network -14 janvier 2019


Merveilleux bal des monstres chez Prada

Par Godfrey Deeny
Voilà ce qui s’appelle un grand défilé de mode. La dernière démonstration de style de Miuccia Prada était présentée dimanche soir dans un Milan glacial : un défilé mixte aux multiples références, des masses, des marges au bal des monstres.

La principale penseuse de la mode italienne, la Signora Prada, convoquait brillamment l’ADN Prada pour l’hiver 2019, tout en délivrant un subtil message politique. Et dans une période troublée partout en Europe, elle nous rappelait que la mode joue elle aussi un rôle, même s’il est mineur, en offrant un résumé visuel des angoisses propres à chaque époque.

D’autre part, la mise en scène était d’un talent consommé : un hall en béton récemment achevé au sein de la Fondazione Prada, habillé de gradins vertigineux et d’un podium oblongue géant, composé de panneaux d’isolation acoustique en mousse noire – qui se sont révélés tout à fait confortables pour s’asseoir, en vrai. Au milieu, le podium était illuminé par des spots et des ampoules géantes de style rétro.

« Je pensais à la masse du plus grand nombre, ceux qui ne sont pas riches, qui ont du mal à payer les factures et à survivre, à la manière dont ils vivent et s’habillent », a révélé Miuccia dans la foulée du défilé, après avoir posé devant un nouveau logo Prada dans la même matière isolante. Un logo sur un mur jaune vif, la dernière révolte française en date, celle des gilets jaunes, infiltrant Milan cette saison. On avait déjà repéré des jaunes similaires ce week-end chez des marques aussi différentes que Bottega Veneta et Versace.

Sur le podium, les hommes défilaient en costumes sobres : pantalons taillés au-dessus de la cheville, vestes flatteuses et manteaux serrés à la cheville par des ceintures doubles. Opéraïste et très élégant. Son autre grande idée, c’était ces sahariennes magiques bleu nuit ou noir d’encre, réinventées en doudounes et ornées de poches sur les manches. Elles déclencheront à coup sûr une tendance majeure dans le monde entier.

Les premières silhouettes féminines étaient aussi d’une simplicité trompeuse, comme ces petites robes noires remarquablement bien coupées, avec des hauts façon soutien-gorge dégageant les épaules. Quand soudain, Miuccia a passé deux vitesses d’un coup, injectant une dose ludique de style film d’horreur : comme ces imprimés représentant le visage de Frankenstein et d’étranges fleurs déformées utilisés sur de puissantes jupes au genou, associées à des hauts en mohair rose et des bustiers composés du tissu signature de Prada, un nylon noir soyeux… bien sûr ! Et si les jupes plissées en coton dense, rebrodées de cristaux, avaient une allure folle sur Kaia Gerber et Gigi Hadid, elles iront également comme un gant à des femmes d’affaires deux fois plus âgées. En fin de compte, l’une des plus grandes forces de Miuccia Prada en tant que créatrice, c’est que ses vêtements collent magnifiquement aux femmes à de multiples étapes de leur vie.

Emmenant tout le toutim vers de nouveaux sommets, il y a eu une formidable série d’accessoires : comme ces nouveaux sacs à dos de taille intermédiaire, avec des bandoulières et des bretelles étroites, ou encore de super chaussures et bottines façon pneu de tracteur.

Une bande-son puissante de Frédéric Sanchez envoyait du Marilyn Manson, du Tuxedomoon et la bande originale du Rocky Horror Picture Show.

« Je voulais refléter mon sentiment sur notre époque. Même si, puisque c’est de la mode que nous faisons, il fallait que tout ça soit optimiste et amusant, ce à quoi le spectacle horrifique a contribué », riait Miuccia Prada, vêtue d’une très belle redingote en daim couleur tabac, avant d’être submergée par les fans. Ils mouraient tous d’envie de la prendre en photo devant ce fameux mur jaune.