Propos recueillis par Thibaut Wychwowanok.
Le concepteur sonore compose un récit très autobiographique. L’histoire, c’est que j’ai été très marqué par mon grand-père. Fixant le vide, l’immensité devant lui, il écoutait la radio espagnole. C’était le seul moyen pour lui de s’échapper, de revivre l’Espagne qu’il avait quittée. Assister à ces scènes a été très important pour moi. Aujourd’hui, quand je pense au son, des images me reviennent. Oui, mon rapport à la musique est très autobiographique. Mon premier choc esthétique a dû être Abbey Road. J’avais 6 ans. J’aimais qu’une histoire soit racontée. J’ai commencé à m’intéresser à des musiques qui avaient ce potentiel narratif et visuel – le rock progressif des années 70 de Genesis et de Van der Graaf Generator – , puis à l’imaginaire dans lequel nous plonge la musique classique et contemporaine. J’ai construit mon univers avec ça. Je me suis rendu compte à quel point Serge Gainsbourg, dont je n’étais pourtant pas le plus grand fan, avait suscité en moi un intérêt pour la littérature et un goût pour la peinture. L’histoire, c’est que tout cela a toujours été très personnel. J’ai commencé à me réapproprier le son, à le travailler, à le recomposer, à le découper, à utiliser de nombreux effets. Pour donner à voir. La musique est une manière de communiquer. Elle a quelque chose d’abstrait que chacun peut saisir. Les gens peuvent s’inventer leurs propres images. En écoutant mon travail, certains amis ne peuvent s’empêcher de sourire parce qu’ils retrouvent des choses de moi qu’ils ont connues il y a des années. Comme si j’avais arrêté le temps, comme si ces choses n’avaient pas vieilli. Elles sont presque suspendues. L’histoire, c’est que depuis toutes ces années, je me suis construit, mais je me suis découvert aussi.