Prada ou la nouvelle élégance décontractée

Fashion Network – 17 juin 2018


Prada ou la nouvelle élégance décontractée

Par Godfrey Deeny  –  17 juin 2018

A la manière des équipes qui se révèlent toujours brillantes en compétition, Miuccia Prada est de la trempe des créateurs compétiteurs, ces designers qui sortent les meilleures idées à chaque saison, qui savent avec précision à quel moment changer de direction ou quand un concept artistique ou stratégique a fait son temps.

Au moment précis où tout le monde à Milan se résigne à suivre le courant en injectant des coupes, des finitions et des matériaux inspirés du sportswear tout en les associant avec des motifs et couleurs tirés de l’univers du skateboard, Miuccia Prada met le holà. Et décide, pour le printemps-été 2019, de présenter une silhouette décontractée, vaguement technique, à la coupe impeccable – une allure qui allait très, très bien à ses mannequins particulièrement juvéniles et ébouriffés.
  
« Je déteste le fait que les Millennials soient réduits à une simple catégorie marketing. Ils sont notre jeunesse, la prochaine génération. Les voir comme une proposition commerciale, c’est stupide », explique la créatrice italienne devant un buffet parsemé de vodka-citron et de sandwiches aux anchois juste après le défilé.

Des pantalons à la coupe élancée, sans pinces ; des manteaux et des blazers minimalistes, en veau velours, et du denim légèrement délavé du meilleur effet – d’ailleurs, notez-le bien : le denim clair, utilisé sur des pièces tailleur, est à nouveau officiellement autorisé. Également très réussie, une série de sneakers en toile élastique. Rien de trop appuyé : branché et actuel, mais mûrement réfléchi. La plupart des mannequins portaient des chapkas en nylon matelassé, tantôt couleur tabac, noir, rose, puis imprimé d’incroyables motifs.
 
« Je suis à la recherche d’une nouvelle élégance. Je la ressens chez la nouvelle génération. Les jeunes en ont assez du street style, des logos et du skateboard. Ce sont leurs parents qui ont lancé cette tendance ! » rappelle Miuccia Prada.

Elle n’a pas oublié d’ajouter un soupçon psychédélique : des mélanges de motifs surréalistes, avec des visages de jeunes filles sensuelles aux lèvres écarlates ; des parterres entiers de fleurs ; des cimes de montagnes acidulées et des gratte-ciel au parfum vintage. Ambiance Jimi Hendrix du 21e siècle, des tenues parfaites pour aller faire la fête.
 
Cette saison, Miuccia Prada a renoué avec la tradition, en présentant son défilé à la Fondazione Prada. Et, avec son équipe de compétition, elle a créé un nouveau décor magnifique : de confortables sièges gonflables en plastique transparent réalisés à partir d’un design original de Verner Panton qui n’avait jamais vu le jour.

Au rythme d’une bande-son géniale assemblée par Frédéric Sanchez, qui s’ouvrait sur le titre « Windowlicker » d’Aphex Twin, les mannequins jeunes, frais et plein d’assurance, défilaient dans une ambiance calme et mise en scène avec intelligence.

Bizarrement, au même moment, la meilleure équipe de tournoi du monde – l’Allemagne – a perdu son premier match à la Coupe du monde, face au Mexique… Personne n’est parfait.
Par Godfrey Deeny
Traduit par Paul Kaplan