Le son de la mode
par Gabrielle De Montmorin
Pas de SHOW sans eux. La mission de ces stars de l’ombre? Créer les bandes-son des plus grands défilés. Mettre en résonance MUSIQUE et style, souligner l’esprit d’un couturier, d’une collection et … donner le tempo du rêve.
Ils s’appellent Sound Designer (illustrateurs sonorse) mais surtout pas DJ. Ils sont une poignée à oeuvrer entre Paris, New York et Milan, ambassadeurs d’un métier à part, qui n’existait pas il y a trente ans.
Même si leur parcours diffère, ils ont ce don d’entrer dans l’univers des créateurs de mode. A chaque saison, il leur faut en effet comprendre la collection pour l’habiller en musique.
« Un défilé dure une dizaine de minutes en moyenne et s’apparente au spectacle vivant, où il importe d’être concis et direct. Mon travail est donc d’emmener pour un temps très court les spectateurs dans une histoire et un univers», explique Frédéric Sanchez , l’inventeur du terme «illustrateur sonore».
Sélection, montage en studio, réglage sur le lieu pour égaliser chaque fréquence et caler chaque élément en fonction des passages des mannequins, une bande-son représente plusieurs dizaines d’heures de travail pour capter la tension et l’attention. Son objectif: accompagner le défilé sans jamais écraser le proposde la collection.
Frédéric Sanchez est arrivé à la mode par la musique. Lancé par ses bandes-son travaillées au montage comme si chaque mannequi nétait l’image d’un film (expérimental), il oeuvre en direct avec les créateurs parmi lesquels Martin Margiela, Jil Sander, Calvin Klein, Marc Jacobs (1 ), Miuccia Prado, Bouchro Jarrar, Giambattista Valli.
VOTRE MÉTIER EN TROIS VERBES?
Écouter, assembler, évoquer.
FAUT-IL ÊTRE PASSIONNÉ DE MODE POUR CRÉER UNE BANDE-50N DE DÉFILÉ?
Oui ! Moi, je me suis intéressé à la mode à travers la musique, au moment où les pochettes de disques étaient faites par le graphiste Peter Saville, qui s’occupait aussi des catalogues de Yohji Yamamoto.
J’ai retrouvé dans la mode ce qui m’intéresse dans la musique : considérer le studio comme un terrain d’expérimentation et de création. Avec les vêtements, à partir de quelque chose de très brut, on crée.
COMMENT NAÎT UNE BANDE-SON?
Il n’y a pas de règles. Mon parti pris consiste à ne pas voir les vêtements, saut si le créateur le souhaite bien sûr. Ce qui m’importe, c’est la discussion. Il n’y a jamais de musique au départ, seulement des mots et des images mentales. En moyenne, je rencontre cinq fois le créateur et, avec le travail en studio, cela représente une quarantaine d’heures de travail.
LE TRAC VOUS EST-IL FAMILIER?
Plus que du trac, c’est une angoisse avant les collections qui s’en va dès que cela commence. Un peu comme un acteur qui entre sur scène.
AVEZ-VOUS UN SOUVENIR DE MONTAGE DONT VOUS ÊTES FIER?
Pour Marc Jacobs, un montage avec Beyoncé (2) et un riff de guitare de Metallica (3). C’était ou début des années 2000, ou moment où l’on a commencé à mélanger des choses improbables grâce aux logiciels informatiques. Cela a donné une tendance, le mashup. Cela avait de la tenue.
UN SAMPLE FÉTICHE?
J’utilise souvent des sons provenant de films : musiques, paroles, bruits.
VOS DERNIERS COUPS DE COEUR?
Adrian Utley’s Guitar Orchestra, le projet du guitariste de Portishead, qui revisite magnifiquement« in C »,de Terry Riley (4).
POUR VOUS, SILENCE RIME AVEC …
John Cage.
LE STYLE FRÉDÉRIC SANCHEZ EN TROIS MOTS?
Recherche, montage, visuel.