Fashion Network – 3 octobre 2018
Miu Miu : une beauté subversive, à grands coups de ciseaux
Par Godfrey Deeny
Il vaut toujours la peine d’assister à un show Miu Miu le dernier jour de la Semaine de la mode à Paris. La vision de Miuccia Prada offre un contrepoint saisissant à toutes les marques françaises inscrites au calendrier.
Mise en scène avec habileté sous d’énormes logos Miu Miu en polystyrène expansé, il s’agissait de l’une des collections les plus subversives de sa créatrice, Miuccia Prada, qui reprenait des éléments classiques de la maison italienne – élégance, glamour, tailleur – pour mieux découper les vêtements, leur donner une finition plus brute, plus concrète.
Du point de vue de la qualité de la proposition, on était au niveau d’un défilé haute couture, avec des robes aux coupes impeccables, des robes-chemises drapées astucieusement et terminées par d’impressionnantes fleurs de tissu et des robes ajustées en taffetas, parfaites, à nouveau agrémentées de fleurs de tissu pleines d’audace.
Pour les jeunes femmes ambitieuses, Miuccia a combiné de larges manteaux droits, des trench-coats et des cabans à double boutonnage – tous en cuir lisse, mais associés à des jupes et des blouses imprimées d’iris aux couleurs vives, aux coupes anguleuses originales. Pour un résultat inattendu, artistique et très chic.
« C’était un peu comme cette émission, quel est son nom déjà ? Project Runway. Chaque créateur a un temps limité pour travailler. On a sorti les ciseaux hier soir. Mon équipe n’arrêtait pas de dire : « Pouvons-nous en laisser au moins un seul intact, ne pas tous les détruire ? Et je sais que les acheteurs voudront qu’on change les proportions. Mais je suis contre le cliché de la beauté évidente », rit Madame Prada, en gesticulant comme si elle avait encore une paire de ciseaux entre les doigts.
« Je suis en colère. Tout le monde parle d’avenir et de révolution, mais la vérité, c’est que tout revient en arrière. Et pas seulement en politique, mais aussi dans l’art et le cinéma », affirme-t-elle.
Et juste au moment où l’on oubliait l’énorme retour du denim sur de nombreux podiums, à l’exception de ceux de Paris, Miuccia nous a épatés avec une série de jupes et de robes courtes en denim, finies en ourlet-mouchoir, complétées par des bottes en velours satiné à plateforme et talons biseautés.
« Tout est délavé : le jean, le taffetas et même le gazar », explique Miuccia avec des étoiles dans les yeux.
Après le spectacle, elle était entourée d’une douzaine de mannequins et de stars de cinéma, dont Juliette Lewis, Dree Hemingway, Poppy Delevingne et Élodie Bouchez. Mais Miuccia Prada préfère généralement parler de sa collection plutôt que de poser pour les paparazzi…
Difficile de se souvenir d’une bande-son en meilleure adéquation avec une collection… en l’occurrence une sélection tirée du nouvel album de Prince. Des enregistrements privés du chanteur dans son propre studio, intitulé Prince & a Microphone, dont certains de ses morceaux les plus célèbres.