Paris Fashion Week, c’est fini !

Le Monde – 7 mars 2018

Paris Fashion Week, c’est fini !En clôture de la fashion week parisienne, trois grandes maisons, Chanel, Miu Miu et Louis Vuitton, ont tonifié une saison de défilés un peu terne.

Le marathon des fashion weeks vient de prendre fin à Paris, dernière étape d’une saison qui ressemble davantage à un moment de transition qu’à un grand cru. Mardi 6 mars, pour la dernière journée, trois des plus grands noms de l’industrie se sont partagé la conclusion de débats vestimentaires. Ceux-ci ont beaucoup tourné autour de la féminité, du féminisme et du droit des femmes. Ces trois shows sont les trois derniers points de vue sur le sujet de la saison.

Chanel.
Chez Chanel, Karl Lagerfeld fait peu de discours. Sa collection parle pour lui, célèbre un raffinement moderne, une idée de la féminité sophistiquée et libre dans un décor atmosphérique qui rappelle un roman d’Ivan Tourgueniev. L’odeur des feuilles mortes accueille les invités dans une forêt légèrement brumeuse où ne manquent que les croassements des corneilles. Les longs manteaux droits en tweed aux épaules ajustées, les vestes à la taille appuyée et à basques qui se terminent en pointes, les cols montants « à la Karl » (le couturier porte les mêmes), les grands pantalons en cuir matelassé sous des vestes amples à quatre poches signent une allure souple, confortable et fidèle aux codes Chanel.

Du manteau à capuche et imprimé feuilles aux longues jupes or éteint, tout est enveloppant mais sans lourdeur. Les effets de volume, millionième variation sur les lignes des tailleurs Chanel traditionnels, sont particulièrement réussis et servent d’ossature à toute la collection. Longue jupe corolle, maxi-veste trapèze, petites épaules légèrement aiguës, tout est millimétré sans jamais être contraignant. Ces femmes qui avancent d’un bon pas dans ce bois clair incarnent une vision positive et décidée de la féminité. Leur vestiaire très luxe et facile à porter est un vecteur de liberté d’expression subtile et pas un exercice de mode qui les contraindrait à rentrer dans un moule.

Miu Miu.
Miuccia Prada a formé chez Miu Miu un club de « bad girls » réjouissantes. Entre les murs du Conseil économique et social, l’austérité architecturale est contrebalancée par de grands panneaux suspendus comme des fanions, imprimés de dessins mi-lettrines mi-portraits de femmes. Celles qui arrivent sur le podium sur une bande-son rock parfaitement calibrée par Frédéric Sanchez évoquent à la fois la vamp rockabilly Wanda Woodward du film Cry-Baby et les princesses punk rock à la Poison Ivy, la guitariste des Cramps. Ajoutez un peu d’Amy Winehouse et de style années 1980, et c’est parti pour une parade de filles piquantes mais sympathiques en chaussettes mohair et talons vernis.

Des pantalons et blousons en jean neige aux imperméables froncés de cuir de couleur en passant par les tweeds « sixties » et les robes à fleurs près du corps, tout est porté par des mannequins aux cheveux crêpés et aux silhouettes globalement plus pulpeuses que la moyenne des podiums. On a retrouvé la femme Miu Miu fraîche et fun, nourrie de culture pop, qui avait disparu la saison dernière.

Louis Vuitton.
Louis Vuitton présentait sa collection dans la cour Lefuel du Louvre, habituellement inaccessible au public et recouverte pour l’occasion d’un sol façon vaisseau spatial. Le lieu a certes du cachet, mais présente aussi des inconvénients : il est très exigu, les trop nombreux invités ont du mal à trouver leur place, surtout que le parterre de célébrités (Michelle Williams, Noomi Rapace, etc.) en prend beaucoup.

La collection, elle, marque un retour de Nicolas Ghesquière à des formes plus simples, un glissement stylistique vers une silhouette de néobourgeoise qui pourrait beaucoup plaire à Brigitte Macron, très souvent habillée par le designer. Ses vestes brodées de métallerie or, ses gilets bicolores boutonnés sur une robe et ses effets monochromes évoquent un classicisme auquel on n’était guère habitué. Les blouses façon sweat-shirts en patchworks de matières et les hauts corsetés qui mêlent motifs sixties et soie argent renvoient aux goûts plus expérimentaux du créateur, ceux qui l’ont fait connaître quand il officiait chez Balenciaga. La prochaine saison en dira plus sur cette nouvelle femme Vuitton.