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Le Monde 25/09/2020
Par Elvire von Bardeleben et Théodora Aspart


A la Milan Fashion Week, Prada et Emporio Armani jouent la
carte de la sobriété
Premier défilé (à huis clos) du duo Miuccia Prada-Raf Simons pour une collection qui explore la notion d’uniforme, mais version Prada. Chez Emporio Armani, c’est sous la forme d’un clip qu’ont été présentées d’élégantes tenues typiquement armaniesques.

« Carpaccio de bar, stracciatella, framboises, huile de basilic », peut-on lire sur le menu. En attendant le défilé Prada, diffusé le 24 septembre, en début d’après-midi, la marque a convié une cinquantaines d’invités au restaurant Girafe, face à la tour Eiffel. Au même moment, à Berlin, Istanbul, Dubaï, Moscou, Shanghaï, Tokyo, des événements similaires adaptés au fuseau horaire (dîner, petit déjeuner…) sont organisés.

En France, après le sorbet pêche, à 14 heures tapantes, l’événement le plus attendu de la fashion week milanaise démarre sur écran : le premier défilé de Miuccia Prada, en collaboration avec Raf Simons, qui a été nommé codirecteur artistique de la maison, en février. Le défilé à huis clos a lieu à la Fondation Prada de Milan, mais l’espace filmé par les nombreuses caméras est parfaitement anonyme. C’est une pièce jaune pâle, de la moquette au plafond, où des mannequins passent avec l’air décidé. Pas de fioritures, pas de décor : enfin une vidéo où les habits sont au cœur du propos.
La collection explore la notion d’uniforme, pas celui du policier ou de l’avocat, mais un « vêtement que l’on choisit sans hésiter parce qu’il correspond à ce qu’on veut montrer de soi sans tomber dans une caricature mode », comme le définit Raf Simons. L’uniforme Prada recouvre un champ des possibles assez large. A ce défilé, on a vu des vêtements rapetissés, transformés, détournés, dépourvus de décoration superflue. Les manteaux en Nylon recyclé semblent en équilibre précaire, tenus par une opération du Saint-Esprit autour des corps. Les sous-pulls perforés, à intervalles réguliers, de larges cercles, comme un motif à pois, se superposent les uns aux autres. Des phrases sibyllines (« Signaux volent vers nous » ou encore « Panorama of quiet ») se détachent sur des robes en soie. Le logo
Prada s’étale sur un plastron triangulaire brodé sur le sternum. Au milieu de ce vestiaire sophistiqué, on trouve aussi d’indémodables jupes plissés ou des pantalons noirs très classiques.
Il n’y a pas de choc esthétique ou de révolution dans cette première collection bicéphale, mais une lecture convaincante de l’héritage Prada et une sensation de fraîcheur bienvenue. Dans l’interview filmée entre Miuccia Prada et Raf Simons, diffusée après le défilé, la créatrice italienne a d’ailleurs rappelé : « La nouveauté, c’est le cauchemar de tous les designers. Mais avec la crise du Covid-19, la question du neuf est moins pertinente. Il s’agit désormais d’exprimer l’esprit profond d’une marque. » Voilà qui est fait.

Le même jour, Armani a dévoilé les collections homme et femme de sa ligne Emporio. Sans surprise, pas de prise de risques, la maison a choisi le format vidéo : en février, alors que les premiers cas de Covid-19 se déclaraient en Italie, Giorgio Armani avait été le premier créateur à anticiper la crise, en organisant un défilé à huis clos. Cette saison, il propose un clip de 7 minutes tourné dans les différents bureaux de la griffe à Milan, via Bergognone, qui sont tous des modèles de sobriété.

Sur une bande-son vaporeuse, signée par le compositeur et réalisateur musical français Frédéric Sanchez, mannequins et artistes « amis » de la marque se livrent à une chorégraphie dans d’élégantes tenues armaniesques aux tons neutres (beige, gris clair, blanc et noir). Parmi eux, on reconnaît Germain Louvet, étoile de l’Opéra de Paris, ou Les Twins (Laurent et Larry Bourgeois), danseurs et chorégraphes. Ce projet est présenté comme « un geste symbolique de soutien aux arts touchés par une longue période de confinement ».