Prada : rencontre entre gentlemen de Chirico et post-punks tirés à quatre épingles

Fashion Network – 13 janvier 2019


Prada : rencontre entre gentlemen de Chirico et post-punks tirés à quatre épingles

Godfrey Deeny
TRADUIT PAR
Marguerite Capelle

Peu d’événements pourront mieux résumer la méga-tendance au raffinement dans la mode masculine que le dernier défilé Prada, dans lequel l’esprit de la New Wave rencontrait le formidable peintre italien d’après-guerre.

Les invités ont pénétré dimanche après-midi dans le centre artistique de la Fondazione Prada, qui a le vent en poupe, pour découvrir deux énormes cours en contrebas, au centre desquelles avaient été placées des statues équestres toutes blanches en carton-pâte. Des motifs pastel au sol, un éclairage changeant et des arcades rouges : tout évoquait un tableau onirique de Giorgio de Chirico.

« J’avais envie d’un message anti-héroïque, alors il fallait que mes statues équestres aient des jambes filiformes », gloussait la créatrice Miuccia Prada.

Pourtant, comme les silhouettes solitaires qui peuplent toutes les peintures à l’huile de l’artiste, les mannequins de Miuccia étaient vêtus avec le plus grand soin, dont la moitié enveloppés de manteaux raffinés – qu’il s’agisse de luxueuses peaux lainées pour des vestons croisés, ou d’impers fins en gabardine technique, de trenchs en velours côtelé ou de manteaux de ville en laine gris acier. Le vêtement d’extérieur le plus astucieux était orné de larges poches plaquées en microfibre imperméable, tel un “Dixon of Dock Green” à Milan.

Des jeunes hommes pressés, qui ont traversé d’un pas vif les deux piazzas théâtralisées, tandis que le millier de spectateurs présents les contemplaient depuis des gradins surélevés huit mètres plus haut.

Miuccia proposait des vestes aux coupes incomparables, avec des manches larges, des revers de douze centimètres et des formes enveloppantes, qui semblaient appartenir aux grands frères des tops. Les cols de chemise étaient longs et pointus, avec beaucoup de cravates fines et de sacoches aux bras des mannequins. Avant que le rythme du défilé ne s’emballe avec des associations de gilets en peau lainée et cuir verni, des pantalons slims et des bottes de pluie et godillots de fermier à grosses semelles.

« Je voulais célébrer le travail. Pas seulement l’idée de l’artisan dévoué, mais l’importance et la vitalité du travail pour tout le monde. Je crois que la génération Y n’a pas tout à fait compris ça. Ils pensent que tout est facile. Mais ce n’est pas vrai. Il faut travailler très dur dans cette vie pour obtenir ce qu’on veut. La génération d’après semble consciente de cela », insistait la créatrice italienne après le défilé, qui lui a valu la plus grande ovation de ces cinq jours de défilés répartis entre Florence et Milan.

La bande-son mêlait brillamment New Order et Richard Wagner, dans un assemblage d’enregistrements en live non officiels interdisant à quiconque de retrouver les chansons sur Shazam. New Order s’est inspiré des tableaux métaphysiques de Chirico pour deux de ses pochettes de singles.

« J’ai trouvé ça incroyable, plus le fait que les New Order étaient fans de Wagner : ils aimaient passer Das Rheinghold pour lancer leurs concerts ! Quand j’ai découvert ça … » souriait Miuccia, qui désigne la voie à suivre des deux mains.