Fashion week : La renaissance milanaise

Le Monde – 22 septembre 2017


Fashion week : La renaissance milanaise

Etat de grâce chez les créateurs à Milan, qui composent un vestiaire accessible sans renoncer à leur flamboyance baroque.

Par Carine Bizet

Les vertus commerciales de la mode italienne, qui ont enrichi les designers et fait de Milan un grand acteur financier du secteur, ont aussi longtemps englué la fashion week locale dans un classicisme un peu trop confortable. Mais, ces trois dernières années, les choses ont lentement commencé à bouger. Les voix se multiplient pour défendre une créativité plus originale et personnelle, une féminité plus complexe et sensible. Bonne nouvelle, ça se vend.

Aujourd’hui, le fossé est plus évident que jamais entre ces griffes novatrices et celles qui restent attachées à d’anciennes formules, plus orientées vers le produit. D’autant que la sainte patronne de la créativité italienne, Miuccia Prada, est en grande forme. Elle a confié le décor de son défilé à huit artistes féminines : Brigid Elva, Joëlle Jones, Stellar Leuna, Giuliana Maldini, Natsume Ono, Emma Rios, Trina Robbins, Fiona Staples, auxquelles s’ajoutent les archives de Tarpe Mills, créatrice de la première femme super-héros. Elles ont habillé le lieu de ­portraits de femmes fortes et ­glamour, entre le comics à ­l’américaine et le manga. La collection envoie sur le podium une bande de filles cool, féminines et dures à la fois, une vraie démonstration de style.

Les grands manteaux de la bourgeoise chic fusionnent avec les perfectos, avec des faux plis marqués en blanc, des pardessus en tweed rehaussé de motifs tigre ou panthère, des vestes cubiques habillées de clous, des trenchs reprenant les imprimés des murs. Les beautés punk-rock qui les portent aiment autant les shorts rayés avec des chaussettes rétro que les sur-robes de poupée déglinguée passées sur un jean noir. La bande-son qui tangue entre énergie punk et mélancolie schizophrène est signée Frédéric ­Sanchez, et elle est aussi magistrale que la collection. Tout en nuances ou en dérapages contrôlés, ce vestiaire ultra-désirable fait l’unanimité.